Au Guatemala depuis quelques mois, il y a une réalité qui nous frappe au quotidien: celle d'être l'étranger dans un autre pays. Être la minorité visible qu'on voit d'un simple regard.

On aura beau voyager lentement, prendre les transports locaux, s'impliquer dans des projets d'entraide, avoir nos petits endroits préférés pour faire notre marché, avoir un teint bien bronzé, ou même parler un espagnol plus que fonctionnel, on restera toujours les "gringas".

Ce terme à la fois historiquement négatif (certains disent que les mots "green go" étaient utilisés pour signifier à l'armée américaine de quitter le pays) est également culturellement ancré dans le vocabulaire hispanique d’Amérique centrale pour signifier la personne étrangère. On doit donc s’y faire!


Ça ne change pas que, sur notre route, on rencontre des gens super sympathiques, des “hola” bien sincères accompagnés de délicieux sourires, de propositions d’aide, de nous accueillir ou bien de partager un jeu. Toutefois, viennent aussi les regards détournés, les sifflements au tournant de la rue, les demandes en mariage instantanées, les mains tendues pour recevoir notre argent ou encore les tentatives de nous faire payer le double du prix coûtant, voir même le triple.  On a un passeport qui vaut de l'or, on va se le dire.  Et même avec les avantages que ça comporte, il y toute la question des relations interpersonnelles qui porte à réflexion lorsqu'on s'immerge dans une culture différente de la nôtre.



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On voyage entre autre pour aller à la rencontre d'individus, pour se frotter à des us et coutumes qui nous sont étrangers dans le but de partager ce qui nous définit et d'ouvrir nos horizons. Mais se lier d'amitié avec des locaux, ce n'est pas facile…


Le plus dur pour nous, c’est de rentrer en contact avec les autres femmes. Le rôle traditionnel de celles-ci crée un pont entre notre réalité et la leur. De nombreuses femmes restent à la maison, derrière leurs fourneaux, élèvent de nombreux enfants, font du tissage ou encore ne parlent que la langue maya locale. Allez savoir que ça ne facilite pas les échanges de fond! Par contre, c’est une réalité à laquelle on est principalement confronté dans les petits villages même si, c’est tout de même le cas dans plusieurs villes. Plusieurs femmes portent encore l'habit traditionnel alors qu'il n'est pas rare de voir les hommes habillés de vêtements griffés, machette à la main, à travailler dans les champs. Bref, en tant que femme en contact avec d'autres femmes, il semble difficile d'aller plus loin que la courtoisie, plus loin que les conversations en surface. Percer cette gêne, ce repliement des femmes, ces petits cercles sociaux plutôt fermés est difficile pour les occidentales que nous sommes, et ce, même avec toutes les bonnes volontés du monde. Nous sommes différentes. La différence est encore associée à la crainte malgré toute la curiosité qui y est reliée.


Et avec les hommes, c'est un peu une autre réalité! Généralement plus avenants, les conversations coulent davantage, le contact semble plus facile. Jusqu'à ce que… une proposition d'engagement quelconque entre dans la partie… On ne compte plus le nombre de fois qu'on peut s'être fait demandé en mariage! Et ce ne doit pas être pour nos beaux yeux...


C'est plein de grosses généralités tout ça, mais l’esprit derrière reste le même; les relations humaines, ce n’est pas facile!


Nous croyons que le simple fait de voyager sans vraiment s'arrêter dans des endroits pour de longues périodes de temps, fait en sorte que les rencontres avec les locaux restent plutôt superficielles et peuvent nous laisser sur notre faim. On peut avoir du bon temps, mais pour vraiment arriver à créer un lien d'amitié entre deux personnes de cultures et réalités si différentes, ça prend du temps! Il n’est pas rare qu'on rencontre d'autres voyageurs et avec qui, en moins de quelques heures, on aura déjà l’impression de se connaître et on se sera déjà invité à passer dans le pays de l’autre. En fait, le simple fait de partager un but commun, d'être à l'étranger, de vivre des émotions similaires, crée ce sentiment de rapprochement presque instantané entre les voyageurs alors que ce sentiment est plus souvent qu’autrement absent avec les locaux.


Alors on fait quoi pour vivre un voyage authentique, rencontrer des locaux et sentir qu’on fait partie, ne serait-ce qu’un peu, de la culture locale?  


Le temps. Se laisser le temps de prendre le temps.


Prendre le temps de s’arrêter pour plusieurs semaines au même endroit. Prendre le temps de joindre des projets locaux. Prendre le temps de vivre dans une famille locale et d’y apprendre la langue. Prendre le temps de déambuler dans les rues et s'asseoir dans les restos qui ne sont mentionnés dans aucun guide de voyage. Prendre le temps de s’asseoir autour d’un verre et de discuter de la vie. Prendre le temps de se laisser surprendre, de saisir les opportunités, de modifier les idées préconçues qui peuvent nous habiter.

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C’est là que la magie opère. C’est là qu’on devient partie intégrante de la vie des uns et des autres, qu’on travaille ensemble vers un but commun. C’est là que la difficulté des interactions sociales avec les locaux ne s’applique plus, car on a passé au-delà de l’image qu’ils peuvent se faire du touriste qui vient et qui part en quelques jours. C’est là que nous ne sommes plus que des gringos. On devient des collègues, des amis. On prend le temps de se rencontrer et ça fait toute la différence.



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On se comprend même si on ne se comprend pas tout le temps. Et là se trouve toute la beauté des relations humaines.

-Patricia

Les improbables, c'est nous; Phillie et Pat. Deux amies, deux exploratrices toujours en quêtes de découvertes insolites, de nouveaux sommets et d'expériences improbables à vous partager.