Avant,
j’avais une vision « pseudo-kitsch » de l’Italie : trop
romantique, la gondole à Venise, quel cliché que la tour de Pise! Je me
disais : « l’Italie, c’est un pays pour un voyage de débutant,
ou de voyage de noces. »
Tout ça, jusqu’à
ce que je doive faire un cours de langue à l’université et que je tombe en
amour avec mon professeur d’italien : 5pi 2po, bedonnant, 90 ans, toujours
en pantalons avec des bretelles, les cheveux blancs lissés vers l’arrière.
Raimondo. Juste son nom sonne parfaitement italien. Je n’avais jamais vu
quelqu’un gesticuler autant (arriver d’arriver en Italie!), jamais vu quelqu’un
avoir la mèche aussi courte (avant d’arriver en Italie!). Il roulait ses
« r » à la perfection, il chantait presque en parlant! C’est là que
je me suis dit : « Advienne que pourra, je dois aller faire ma
dernière année de bac en Italie ».
C’est comme
ça que ça a commencé. Puis se sont enchaînées des heures et des heures de
pratique, des fois à me demander dans quoi je m’embarquais. Comme je devais atteindre
un certain niveau de langue pour avoir ma bourse d’études, j’ai dû faire des
cours d’été au privé. Ça n’a que confirmé mon amour envers l’italien. Deuxième
professeur tout à fait différent du premier, mais tout aussi italien! Saul. Jeune
et branché, plus facile de connecter qu’avec un monsieur de 90 ans, si charmant
était-il.
Il
s’ensuivit la plus belle année de ma vie. Dix mois à parler la plus belle
langue qui soit, à manger du gelato, de la pizza, à partir à l’aventure, mais
aussi à me prélasser au soleil.
Les
premiers temps, on a la tête qui bourdonne, on traduit tout parce qu’on ne
maîtrise pas assez la langue, jusqu’à ce que quelqu’un qu’on connaît nous
entende parler. Et de voir son visage ébahi nous fait comprendre que,
finalement, on peut être fier de ce qu’on accompli. Je me souviens clairement
de la tête de mes deux amis, dans notre auberge jeunesse à Paris, lorsque j’ai parlé
à des italiens. Je leur ai dit de ne pas se moquer de moi, je crois que j’étais
gênée de parler devant eux. Ce sont eux qui m’ont fait prendre confiance en
moi, lorsque qu’ils m’ont dit qu’au contraire, ils n’arrivaient pas à croire à
quel point je parlais bien italien. « Je pensais que tu
« baragouinais » quelques mots, sans plus! ».
Mais l’Italie, ce n’est pas que la langue, c’est la vie.
« Dolce Farniente »
La douceur
de ne rien faire : on entend cette phrase dans « Mange, prie, aime ».
Elle est totalement vraie! J’ai pratiqué cet art parce que oui, c’est plus
facile à dire qu’à faire. Prendre du temps pour ne rien faire, ce n’est pas un
réflexe nord-américain, mais c’est pourtant tellement agréable. Passer un
après-midi couchée sur un banc dans le milieu du port de Genova… Combien de
fois l’ai-je fait! Ne rien faire, pour le plaisir de ne rien faire.
Je suis
aussi tombée en amour avec les paysages. Que ce soit en voiture, dans les collines
de la Toscane, ou en train le long de la côte ouest, les paysages sont TOUJOURS
à couper le souffle. Des petits villages accrochés aux flancs des montagnes,
avec leurs murs jaunes, rouges, oranges, roses, verts. Et les volets verts, oh ces
volets, qu’ils me font rêver! Partout, tout le monde a des volets verts
accrochés à ses fenêtres. S’ils ne sont pas de cette couleur, on les remarque!
Quand on est loin de chez soi, il vient un moment où on s’ennuie, où nous aussi,
on voudrait aller visiter le petit
cousin nouveau-né, ou la nouvelle maison fraîchement construite de sa cousine.
Oui, j’ai passé quelques soirées couchée dans mon lit à me dire que j’aimerais
mieux être dans mon chez-moi à Québec, qui n’existe pas en fait puisque je n’ai
plus de logement à Québec. J’habite à Genova. C’est dans ces moments-là qu’il
fallait se botter le derrière et aller marcher dans le dédale de ruelles que
constitue le centre historique, aller manger un gelato et observer le chaos organisé
des italiens qui parlent les uns par-dessus les autres. C’est toujours un coup
de foudre.
J’y retournerais n’importe quand. Aller me baigner à la passeggiata di Nervi,
marcher le long de corso Italia, manger de la pizza à Napoli, voir le David en
vrai à Florence (et prendre une petite photo même si c’est interdit), me faire
demander par un monsieur romain bedonnant de renoncer à retourner chez moi (en
essayant de m’amadouer avec un tiramisù et un espresso après une bonne pizza)…
tout simplement vivre encore un peu en italien.
Que ce soit dans n’importe quel endroit, dans n’importe quelle langue, le
phénomène est le même. On est en amour « version touriste » en arrivant,
puis on s’ennuie de chez soi, et quand vient le temps de rentrer on est
déchiré, parce que notre chez soi est maintenant partagé en deux. Le mal est
fait, il n’est pas possible de revenir en arrière, et, de toute façon, qui
voudrait oublier une telle expérience?
La seule
solution qui reste, c’est de repartir !
Ariane Boulanger Desmarais
Voyageuse dans l'âme, Ariane ne rêve que d'explorer le monde entier, de découvrir tout ce qu'il a offrir, et de vous raconter ses trouvailles. La photographie, l'écriture, le voyage: ses trois passions qui s'unissent ici!