Cela fait deux ans que Lui et Elle habitent séparément. Ils ne se sont pas « séparés »; leur couple n’est pas brisé. Ils ont simplement fait le choix de laisser l’un d’entre eux vivre son rêve, ce rêve fou d’expérimenter le quotidien dans un autre pays. Alors, Lui a quitté le nid et est parti étudier à l’étranger. Elle a donc dû jongler avec ce défi d’être à nouveau seule après sept ans de ménage. À l’approche du retour de l’être aimé, chacun exprime ses peurs et ses attentes.

Lui

Ça fait deux ans maintenant. Deux ans que j’ai tout quitté : ma famille, ma femme, mes biens matériels. Je ne les ai pas quittés dans le sens de « ciao, c’est fini, hasta la vista ». Mais plus comme si je les avais mis « en attente ». J’ai l’impression de mener une double vie.

Ça fait deux ans maintenant. Deux ans que j’étudie à l’étranger et six mois que j’ai débuté ce stage. À Shanghaï pour être plus précis. Et c’est passionnant. Je me suis fait des amis, des amis sincères, des amis avec qui j’ai créé des souvenirs qui resteront à jamais imprimés dans ma mémoire.

Oui, j’ai hâte d’embrasser ma femme. Oui, je suis impatient de tenir ma famille dans mes bras. Oui, mes vieilles habitudes me manquent.

Mais…

Mais ce que je vis en ce moment, c’est quelque chose d’unique. Je me sens coupable, je crois. Coupable de trop aimer cette expérience que je vis à fond, à tous les jours de cette existence. Il y a deux ans, quand j’ai demandé à ma femme si elle me permettait de partir vivre mon rêve, je ne croyais pas que cette vie que je mènerais serait aussi passionnante, qu’elle dépasserait toutes mes attentes.

Revenir? Cette idée m’effraie, je dois l’avouer. Ce qui m’attend n’a rien d’intéressant : les factures, le retour à la routine, la recherche d’emploi…

Je l’admets, j’ai des nœuds dans le ventre juste à l’idée d’y penser.

Elle

Ça fait deux ans maintenant. Deux ans qu’il est parti et qu’il a tout quitté. Il ne m’a pas laissée, je sais qu’il m’aime, je n’en ai jamais douté. Toutefois, j’ai la drôle de sensation d’avoir été mise « sur pause » pendant ces deux années. Si je me le permettais, je laisserais tout tomber pour aller le rejoindre. Mais je ne peux pas.

Ça fait deux ans maintenant. Deux ans que je m’occupe, que j’étudie (je fais une maîtrise à temps partiel) et que je me jette corps et âme dans mon travail. Je pense souvent à lui.

Oui, j’ai hâte de l’embrasser et de l’enlacer; de le tenir serré si fort contre mon cœur qu’il va en devenir tout bleu.

Mais…

Mais cette vie que je vis, elle me plait aussi. J’ai appris à vivre en solitaire et à aimer cela. En fait, avant d’avoir été ensemble, j’aimais déjà être seule. J’ai peur, mais en même temps, j’ai la certitude que, lorsqu’il reviendra, j’aimerai davantage être avec lui que sans lui. Nous parlons souvent grâce aux nouvelles technologies (merci progrès!) et je crois que cela a aidé à empêcher un fossé de se creuser. D’une certaine façon, nous avons aussi pu travailler notre relation sur un autre plan, plus intellectuel, plus émotionnel.

Son retour? Il sera difficile, je le sais. Je l’ai vécu. Au début de notre histoire, je suis partie seule, deux mois, en Afrique. Mon retour ne s’est pas fait aisément. Alors, je n’imagine même pas à quel point ce sera difficile pour lui de retourner à la routine, de revivre les problèmes du quotidien. Les défis qui l’attendent seront grands, mais pas impossible. Nous sommes deux dans cette histoire. Alors, nous les relèverons ensemble, en nous soutenant mutuellement.

Et cette fois, mon amour, je pourrai te tenir dans mes bras.

La plus belle chose que j’ai faite dans ma vie, c’est partir… J’ai voyagé pour retrouver mes origines, mais j’ai réalisé que voyager était à l’origine de tout.